Aujourd'hui, l'inclusion de DRM dans les jeux est devenue quasi-standard. Démocratisé par Steam, le principe de rattacher systématiquement tout jeu acheté à un compte client (sur internet) est désormais considéré comme normal par la plupart des joueurs. Au commencement, il suffisait d'activer son jeu pendant l'installation, afin de pouvoir y jouer tranquilloum par la suite. Puis, les jeux nécessitant une authentification à chaque lancement ont fait leur apparition ; essayez donc de lancer Half-Life 2 sans connexion à internet. Pour rappel, à l'époque, tout le monde ne disposait pas d'une connexion ADSL permanente (purée, je suis si vieux que ça o_O). Du coup, on avait forcément râlé un peu chez les gamers.
Mais bref, tout ça, c'est du passé. De nos jours, n'importe qui possède une box branchée 24/7, et devoir être connecté à internet pour lancer un jeu (un jeu solo, j'entends) ne semble plus déranger personne... Heureusement, Ubisoft est là pour nous rappeler qu'en matière de droits d'auteur, si on n'applique pas scrupuleusement la loi de l'emmerdement maximum, c'est pas rigolo.
Le DRM présent dans AC2 s'inscrit précisément dans cette optique. La nouveauté, c'est qu'il vous impose d'être connecté à internet en permanence pour jouer (si si, on parle toujours d'un jeu solo O_O). De plus, vos sauvegardes ne sont pas stockées sur votre machine, mais sur les serveurs d'Ubisoft (moui bon, pas mieux).
En soit, il s'agit d'une histoire de DRM plutôt banale, d'un fait divers. Pas de quoi faire un billet, me suis-je dit en lisant l'info. Sauf que, ce week end, il s'est passé une chose plutôt inattendue... Ou plutôt, non, une chose plutôt attendue, annoncée, que dis-je, prophétisée depuis l'invention du DRM (au moins). Les serveurs d'Ubisoft sont tombés en panne. Conséquence logique et immédiate : impossibilité de jouer, ou même de sauvegarder la partie en cours, pour un certain nombre de joueurs. Résumé de la situation : des personnes ont acheté un jeu ; elles ont le droit élémentaire d'y jouer[1] ; elles ont été privées de ce droit.
Cet évènement est notable car édifiant. Il est une preuve de plus (s'il y en avait besoin) que les DRM sont une mesure liberticide !
On peut ne pas vouloir voir plus loin que le bout de son nez, se dire que ce n'est pas grave, que la privation n'a pas duré longtemps. Cependant, que se passera-t-il si ma connexion subit des coupures intempestives ? Pourrai-je jouer normalement ? Sans doute pas. Qu'adviendra-t-il lorsque Ubisoft décidera — et ça arrivera forcément, quand ils jugeront que le jeu est trop vieux pour être maintenu — de fermer ses serveurs ? La copie que j'ai acheté deviendra-t-elle inutilisable ? Il y a de grandes chances. Je doute fort qu'Ubisoft s'amuse à libérer le jeu de son DRM, et à permettre la récupération des sauvegardes sous forme de fichiers. Au final, je n'aurais pas vraiment acheté ce jeu, je l'aurais seulement loué (paye tes 50€ de location).
Une fois de plus, on notera l'assiduité avec laquelle les éditeurs scient la branche sur laquelle ils sont assis. Le fait que les DRM finissent invariablement pas être cassés est au moins aussi avéré que leur seule utilité prouvée est d'emmerder les honnêtes consommateurs (et donc, de les pousser vers une solution moins contraignante : le piratage).
Finalement, je n'achèterai probablement pas AC2. C'est dommage, ça avait l'air cool...
Sources
- Controversial Assassin's Creed 2 DRM...
- Le DRM d'Ubisoft...
- En rade à cause des DRM...
- Ubisoft DRM servers down...
Note
[1] D'après le droit de propriété je pense, mais je suis pas juriste.
1 De Thorfin -
Le but des DRM il me semble que c'est justement d'empêcher les piratages, ok ca emmerde les consommateurs mais c'est la conséquence à toutes ces années qu'ils ont passés à pirater des jeux. Un peu tard pour venir pleurer maintenant.
Et t'facon un jeu comme AC2 c'est fait pour etre joué sur console.
2 De Mathieu -
@Thorfin, hors sujet comme d'hab, parce que :
1. Les DRM n'empêchent pas le piratage ;
2. Les DRM n'emmerdent pas (tous) les consommateurs, mais seulement les acheteurs (qui ne sont pas des pirates, par définition).
3 De Pierre_le_vrai -
Hum... droit de propriété... Honnêtement je ne pense pas (même si je ne suis qu'un simple publiciste). Tout cela relève sans doute davantage du droit de la consommation et de la propriété intellectuelle, mais essayons (puisque tu étais parti là dessus) d'y appliquer quelques principes de droit des obligations, just for fun.
Si tu disposes, ayant acheté le jeu, de l'usus (l'une des composantes du droit de propriété) sur ledit jeu, il ne faut pas oublier qu'il ne s'agit que du support physique. Tu as le droit de mettre le DVD dans ton pc, de jouer au frisbee avec, etc...
De façon générale (même en dehors d'un jeu vidéo), ce n'est pas la propriété d'une chose qui te fournit le droit de voir cette chose fonctionner "correctement". Ton [1] est malheureusement faux.
A mon avis, il vaut mieux s'intéresser au contrat (pour essayer de récupérer tes sous si tu as acheté le jeu).
Vient à l'esprit l'idée de faire valoir l'erreur sur la substance lors de la conclusion du contrat (article 1110 du code civil, cause de nullité du contrat) : tu pensais acheter un jeu qui fonctionnait tous les jours et tu estimes que le fait pour un jeu vidéo de te permettre de jouer à n'importe quel moment est une qualité substantielle (c'est à dire une des qualités essentielles du jeu qui t'a poussé à l'acheter).
Cependant l'autre partie peut faire valoir que la présence de DRM était indiquée sur la boîte et que tu savais que le fait de sauvegarder en ligne pouvait entrainer une impossibilité de jouer en cas de panne de serveurs. Tu étais au courant des risques.
Quant à l'objet de l'obligation, encore une fois, c'est la remise du DVD du jeu. Tu pourrais dire que la cause subjective de ton consentement est l'assurance de pouvoir jouer au jeu quand bon te semble, mais d'une part ce n'est pas certain et d'autre part cette notion n'est utilisée que pour défendre l'ordre public et les bonnes mœurs...
Du coup il ne reste plus que la garantie contre les vices cachés, et là encore...
Selon l'article 1641 du code civil, le vendeur est "tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise".
Cela rejoint l'idée de l'erreur substantielle, le problème est que tu auras du mal à dire que la dépendance entre le bon fonctionnement des serveurs et la capacité à jouer à AC2 constitue un vice caché puisque tu connaissais cette dépendance.
Enfin voilà tout ça pour dire que le droit des obligations c'est bien beau mais cela reste souvent inutile. Il faut en vérité s'intéresser aux droits spéciaux, c'est-à-dire techniques et chiants, du genre droit de la consommation, de la propriété intellectuelle. Ou envoyer un courriel à Maître Eolas :D
N.B. : sur le fond de l'affaire, je suis entièrement d'accord avec toi !
4 De Mathieu -
Merci pour cette (longue) correction/analyse.
Par ailleurs, journalisme d'investigation oblige, j'ai été vérifier en magasin. Il est bien stipulé sur la boîte (en gros et au recto) que "ce jeu nécessite une connexion permanente à internet". Pas de vice caché, donc..
N.B. : sur le fond de l'affaire, je suis également d'accord avec moi-même :)